III. Extrait de son discours dénommé ‘’Shakshikié’’
1. J’ai vu que la patience est plus recommandée, alors j’ai patienté, une paille dans mon œil et une arête dans mon œsophage à la vue de mon héritage ravi, jusqu’à ce que le premier (calife) soit allé vers son destin tout en léguant le califat à un tel après lui…
2. Par Dieu ! tandis que le premier calife demande, durant sa vie, de présenter sa démission du califat, le voici qu’il le lègue à un autre après son décès, tant ils avaient, tous les deux, partagés ses mamelles (ses ressources). Le califat est détenu alors dans une enceinte grossière aux aspérités blessantes et au toucher âpre, où il est facile de succomber et dont on s’éloigne. Car son détenant ressemble à celui qui monte une chamelle difficile à manier ; s’il tire fort sa bride il passera, et s’il la laisse débridée il périra.
3. Alors, Dieu en est témoin, les gens se trouvèrent éprouvés, allant à la dérive sur une monture qui refuse d’être montée, se colorant de mille couleurs tout en marchant en biais. Et moi, j’ai patienté malgré la longueur des jours et l’intensité du malheur, jusqu’à ce qu’il (le second calife) ait rencontré son destin tout en remettant le califat entre les mains d’un groupe dont il prétendit que je faisais part.
4. O Dieu et quelle consultation ! (Allusion aux six hommes que le calife Omar avait désignés pour qu’on choisisse l’un d’eux comme calife). Quand ai-je été sujet de doute chez l’un d’eux pour qu’on m’associe à ces pairs inférieurs à moi ?! cependant, j’ai fait cause commune avec eux ; j’ai volé au ras du sol et j’ai survolé dans les airs comme eux, mais l’un d’eux s’est penché à sa rancune, et un autre à son gendre, avec des intentions que je m’abstiens de citer.
5. Alors, un troisième (Outhman) se présenta, gonflant ses plumes, et avec lui ses proches parents qui se mirent à avaler les biens de Dieu (l’argent public) comme font les dromadaires avec les plantes printanières. Ce qui l’amena à sa ruine, tué par ses propres œuvres, surtout par son indigestion.
6. Je fus effrayé lorsque les gens, semblables à la crinière d’une hyène, s’attroupèrent autour de moi de toute part, à tel point que mes deux fils -Hassan et Hussein- faillirent être piétinés et que mes deux côtés faillirent être érodés, car on se rassembla autour de moi comme font les brebis autour du berger.
7. Mais lorsque j’ai accepté le califat, un groupe (les gens du chameau, et surtout Talhat et Zoubair) fit défection, un autre (les Kharigites) s’écarta de la religion, et d’autre furent injustes envers moi (ceux de Saffine). C’était comme s’ils n’avaient pas entendu le Bon Dieu dire : « cette demeure dernière, Nous la réservons à ceux qui ne recherchent, ni à s’élever sur terre, ni à y semer la corruption. Cependant, l’heureuse fin appartient aux pieux » (Le Récit, 89).
8. Oui ! je jure par Dieu qu’ils avaient entendu et compris le verset, mais ils avaient préféré suivre les plaisirs et les jouissances de ce monde !
9. Par celui qui a fendu le grain et créé la brise, si ce n’était la présence de ceux qui sont venus me proclamer calife et la volonté de l’armée d’établir la justice ; si ce n’était aussi les savants qui ont promis à Dieu de ne pas accepter la main mise des injustices et la privation de celui qui subit l’injustice, j’aurais délaissé le califat aller à dérive, et vous auriez trouvé que votre monde ici-bas ne vaut à mes yeux l’éternuement d’une chèvre !
10. On raconte que lorsque Ali fut arrivé à ce point de son discours, un homme de l’Irak lui livra une lettre contenant des questions à lesquelles il devait répondre. Le calife, ayant terminé la lecture de la lettre, fut interpellé par Ibn Abbas : Prince des croyants, nous aimerions que tu poursuives ton discours. Il répondit : Hélas, ô fils de Abbas ! c’est comme l’écume qui sort de la bouche d’un chameau qui s’apaise après avoir émis une voix !
11. Et Ibn Abbas de dire : par Dieu, je n’ai rien regretté autant que ce discours interrompu du Prince des Croyants.
