Imam Ali (as) après assassinat du prophèt Ousmane

2023.04.10 - 09:06
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  a- La position de lImam sur sa désignation du calife

 

Après lassassinat dOusmane, les regards des révoltés se sont tournés vers lImâm Ali, lui demandant dassurer le Califat. Mais lImâm Ali refusa, car il sentait quil navait pas la force de se charger du pouvoir et den subir les conséquences, notamment après avoir constaté le virage de la société islamique vers des écarts profonds dans les niveaux sociaux et économiques de ses membres, virage dû à la politique des gouverneurs de Ousmane, et aussi après avoir remarqué que les orientations et les concepts islamiques grandioses pour lesquels le Prophète (P) avait œuvré durant toute sa vie, avaient perdu beaucoup de leur efficacité en ce qui concerne lorientation des Musulmans, et avaient commencé à se dissiper après la disparition du Messager.

Pour pallier à cette corruption, il fallait donc que les gens puissent sentir quil y avait un régime sain qui les gouverne, afin quils puissent retrouver leur confiance perdue en leurs gouvernants. Mais cela nétait ni facile, ni pour le lendemain. Car certaines classes naissantes ne lapprécieraient guère, et seraient prêtes à sopposer à tout programme de réforme et toute tentative dépuration.

LImâm sétait rendu compte que la corruption vécue, pour être réformée, exigeait une action révolutionnaire qui touche les piliers de la société islamique sur le plan économique, social et politique.

De là le refus de lImâm de répondre favorablement, sur-le-champ, à la pression des masses et des Compagnons qui lui demandaient daccepter le Califat. Il voulait, par ce refus, les mettre à lépreuve pour savoir à quel point ils étaient disposés à supporter les mesures révolutionnaires quil leur imposerait et pour quils ne disent pas, par la suite, lorsquils auraient découvert les difficultés des conditions dans lesquelles ils devraient lutter contre la corruption dont ils se plaignaient - que lImâm les avait pris à limproviste et avait exploité leur zèle.

Cest pourquoi lImâm Ali leur a répondu tout dabord: «Laissez-moi et cherchez-en un autre. Car nous avons affaire à un problème à multiples facettes. Sachez que si jacceptais votre requête, jappliquerais ce que je sais et nécouterais ni les dires des radoteurs ni le blâme des censeurs. Mais si vous renonciez à votre requête, je serais lun de vous, et peut-être obéirais-je à celui que vous auriez élu et lécouterais mieux que quiconque dentre vous. Je vous servirais comme vizir mieux que comme émir».

Mais les gens ayant insisté pour quil se charge du califat, il finit par céder.


b- LImam Ali (as) au pouvoir


LImâm a accédé au pouvoir dans une société qui avait hérité la corruption. Beaucoup de problèmes complexes lattendaient sur tous les plans. Il a ainsi annoncé la nouvelle politique révolutionnaire quil a décidé de suivre en vue de réaliser les objectifs pour lesquels il avait accepté le Califat.


Sa politique révolutionnaire concernait trois domaines :


1. Le domaine juridique;
2. Le domaine financier;
3. Le domaine administratif.

Malheureusement, beaucoup de soupçons ont été soulevés et bien des opinions hâtives ont été émises à propos de la politique et des nombreuses réformes de lImâm Ali. Ces jugements erronés étaient dautant plus répandus, quils sont rapportés couramment dans les livres dhistoire, et devenus pour les lecteurs des évidences indiscutables ne nécessitant aucune démonstration. Cela vaut surtout pour sa politique administrative autour de laquelle on a formulé beaucoup dopinions inexactes.

Cest ce dont nous essaierons de traiter en détail et dune façon analytique profonde, après avoir abordé hâtivement et en passage les domaines juridique et financier.


1- LE DOMAINE JURIDIQUE


Dans ce domaine, les réformes de lImâm ont porté sur labolition du principe du favoritisme dans la distribution des payes et son remplacement par le principe de légalité entre tous les musulmans, tant dans les devoirs que dans les droits.

LImâm Ali disait: «Je chéris le faible jusquà ce que je lui obtienne justice, et poursuit le fort jusquà ce que je lui arrache ce quil doit».


2 - LE DOMAINE FISCAL


Dans ce domaine lImâm Ali a centré son attention sur deux questions importantes:

a) Les fortunes illégalement amassées sous Ousmane;


b) Le mode de distribution préférentiel des payes.


LImâm a, en effet, confisqué toutes les propriétés foncières que Ousmane avait concédées, ainsi que tous les biens considérables quil avait offerts à laristocratie. Il a annoncé sa politique de distribution des biens, en ces termes:

«O gens! Je suis lun de vous. Jai les mêmes droits et les mêmes devoirs que vous. Je vous conduis sur la voie de votre Prophète (P), et japplique sur vous ce quil a ordonné. Cest pourquoi toute propriété concédée par Ousmane et tout bien donné par lui, doivent être restitués à la Trésorerie.

Car rien ne saurait abolir le bon droit (al-haq). Je reprendrais les biens appartenant au Trésor public, même sils ont été dépensés pour un mariage ou pour la possession de servantes, ou même sils étaient dispersés dans différents pays. La justice est large. Celui qui ne supporte pas le bon droit, pourra encore moins supporter l’injustice ».

Peut-être les dirigeants de la classe des riches ont-il, voulu monnayer leur obéissance à lImâm contre son acceptation de passer léponge sur ce quils avaient obtenu auparavant. Cest pourquoi, ils ont délégué auprès de lui al-Walid Ibn Oqaba Ibn al-Muït, lequel a dit à lImâm:

«O Abû al-Hassan ! Tu nous as tous molestés alors que nous sommes tes frères et tes homologues des Bani Abd Munâf. Nous te prêtons serment dallégeance aujourdhui, à condition doublier les biens que nous avons obtenus sous Ousmane, et de tuer ses assassins. Mais si nous sommes acculés à te craindre, nous te laisserons et nous rejoindrons Damas».

LImâm Ali leur a répondu très clairement quil était déterminé à poursuivre lapplication de la réforme quil avait entreprise:

«Quant à ce bien public, personne ny a de privilège. Dieu la déjà alloué. Cest le bien de Dieu, et vous ! Vous êtes les serviteurs musulmans de Dieu. Nous avons comme juge, le Livre de Dieu que nous avons admis et auquel nous nous sommes convertis, et la Sunna de notre Prophète (P). Celui qui nest pas content, quil aille faire ce quil veut ».


3- LE DOMAINE ADMINISTRATIF


LImâm Ali a inauguré sa politique administrative par deux actions:

1)- La destitution des gouverneurs des provinces nommés par Ousmane. Il sen est expliqué ainsi:

«... mon regret est grand de voir cette Umma dirigée par ses impudents et ses débauchés qui accaparent pour eux les biens de Dieu; qui asservissent les serviteurs de Dieu; qui font la guerre aux bons fidèles; qui choisissent le parti des scélérats. Il y a parmi eux quelquun qui a bu devant vous ce qui est prohibé et qui fut fouetté pour cela selon code pénal islamique ; et dautres qui ne sétaient convertis à lIslam quaprès avoir été payés ».


Ousmane sétait rapproché, en effet, de ceux qui avaient été éloignés ou bannis par le Prophète (P). Ainsi, il a fait revenir à Médine, son oncle al-Hakam Ibn Umayya que le Prophète (P) avait chassé et que lon avait surnommé, de ce fait, « le rejeté du Messager de Dieu ». Il a aussi donné refuge à Abdullah Ben Saad Ben Abî Sarh qui avait été condamné à mort par le Prophète (P).

Puis il la nommé Gouverneur dEgypte comme il a nommé Abdullah Ben Omayr Gouverneur de Basrah. Ce dernier a provoqué dans sa province des troubles qui ont suscité la colère des fidèles contre lui et Ousmane.

2)- Leur remplacement par des gouverneurs connus pour leur religiosité, leur pureté et leur fermeté. Ce qui justifiait cette mesure, cest le fait que lImâm Ali avait constaté que lessentiel des plaintes formulées par les Musulmans concernait les émirs et les gouverneurs. Il estima donc que leur remplacement simposait. A leur place, il a nommé Ousmane Ben Hanif, Sahl Ibn Hanîf, Qaïs Ben Saad Ben Abâdah et Abî Moussa al-Achari, respectivement Gouverneur de Basrah, Damas, Egypte et Kûfa, les plus grandes provinces de lEtat islamique de lépoque.

LImâm Ali était dautant plus déterminé à mener à son terme cette réforme administrative, quil avait récusé le conseil de beaucoup de personnes - dont al-Mughîrah Ben Chobah - de reconduire le mandat des Gouverneurs nommés sous le Califat de Ousmane. Lorsque Talha et al-Zubair lui ont demandé de les nommer respectivement Gouverneurs de Kûfa et de Basrah, lImâm refusa leur requête avec courtoisie.

Ce refus les a poussés à exercer des pressions diverses sur lImâm. Ils nont pas hésité à mettre en doute sa direction, à revenir sur leur serment dallégeance, à laccuser publiquement dêtre derrière lassassinat de Ousmane (oubliant quils avaient eux-mêmes poussé les gens à se révolter contre lui) et même à revendiquer le retour au Choura pour que les Musulmans désignent eux-mêmes un Calife. Ils sont allés jusquà prétendre quils avaient prêté serment dallégeance à Ali sous la contrainte et que de ce fait leur serment nétait pas légal.

La décision de lImâm décarter Talha et al-Zubair, respectivement de la contrée de Basora et de celle de Kûfa - décision considérée par beaucoup comme un signe de myopie politique - apparaît très adéquate lorsquon se rend compte que lImâm, en agissant ainsi, a choisi la moins risquée des quatre solutions qui se présentaient à lui:

- La première solution: Cétait de les nommer respectivement gouverneurs de Basrah et de Kûfa, comme le recommandait Abdullah Ibn Abbas.

LImâm a refusé une telle nomination parce quil savait que dans ces deux villes, Talha et al-Zubair pouvaient trouver les hommes et largent dont ils se serviraient pour attirer les insensés, moyennant profit, plonger les faibles dans le malheur et vaincre les forts par le pouvoir, ce qui leur permettrait de devenir plus forts quils ne lauraient été sils nétaient pas gouverneurs et se retourner, grâce à cette force, contre lImâm.

- La deuxième solution: Cétait de manœuvrer en vue de provoquer une brouille entre Talha et al-Zubair pour les séparer et les empêcher dentreprendre une action commune contre lImâm. Pour ce faire, celui-ci aurait dû se montrer généreux envers lun et hostile envers lautre. Mais par cette manœuvre, il risquerait de voir le premier se retourner contre lui quand les circonstances le lui permettraient, le second fuir, là où il trouverait des avantages, cest-à-dire à Damas, pour monnayer son appui à Muawiya - comme lavaient fait beaucoup dautres - ou rester à Médine en gardant contre lImâm une rancune dissimulée.

- La troisième solution: Cétait de leur refuser la permission de quitter Médine pour la Mecque qui leur a servi de point de départ vers Basrah doù ils ont organisé une razzia contre lImâm. Car celui-ci avait en effet deviné leur malveillance lorsquils lui avaient demandé lautorisation daller à la Mecque pour faire le pèlerinage, puisquil leur a dit, tout en leur donnant satisfaction: «Ce nest pas le pèlerinage qui vous meut, mais la trahison».

Mais si lImâm les avait emprisonnés sans avoir une preuve tangible de leur malveillance, il aurait suscité du moins la sympathie des gens envers eux, sinon des soupçons, chez ses propres partisans, sur sa politique à leur égard.

Parmi les griefs injustifiables formulés contre sa politique administrative, cest surtout le fait davoir démis Muawiya de sa fonction de gouverneur de Damas, et davoir accepté lors de sa guerre contre lui, à Saffine, le recours à larbitrage.

Or, on sait que lImâm Ali na accepté le recours à larbitrage que lorsquil a constaté que ses soldats commençaient à bouder la guerre, et à être déchirés par des désaccords qui risquaient de provoquer une confrontation armée entre les partisans et les adversaires de larbitrage. Ils sont allés jusquà menacer de tuer lImâm comme on avait assassiné Ousmane. Ils ont insisté pour que lImâm rappelle al-Achtar al-Nakhaï qui poursuivait vaillamment ses ennemis sur-le-champ de bataille dans lespoir dune victoire prochaine.

Quant aux historiens qui ont donné raison à lImâm pour son acceptation de larbitrage, mais tout en lui reprochant davoir accepté de se faire représenter par Abî Moussa al-Achari, alors quil savait que celui-ci était faible et hésitant, ils oublient tout simplement que la personnalité de son représentant lui fut imposée, tout comme était imposé larbitrage et que le résultat aurait été le même - quelque fût son représentant - al-Achari, al-Achtar ou Ibn Abbas. Car dans tous les cas Amr Ibn al-As ne se serait jamais prononcé contre Muawiya ni pour le Califat de Ali.

Et si lon admet, comme certains avaient tendance à le croire, que Ibn Abbas ou al-Achtar eussent pu influencer Ibn al-As ou lamener à prendre parti pour Ali, Muawiya naurait jamais cédé ni désarmé, puisquil était entouré de partisans et darrivistes avides qui auraient mal pris, tout comme lui, une solution aussi défavorable.

Par conséquent, les détracteurs de lImâm ne peuvent faire valoir une solution meilleure que celle à laquelle il fut acculé et quil a choisie à contrecœur, peu importe quil fût contraint à cette solution tout en en connaissant le défaut, ou tout simplement parce quil savait quil aurait eu le même résultat sil en avait choisi une autre parmi celles qui se présentaient à lui.

Quant à la destitution de Muawiya par lImâm Ali, elle a capté lattention des historiens et occupé une place de choix dans leurs livres. Pour eux, «Muawiya est une nécessité fatale dans lhistoire arabe, puisquil constitue une des étapes de lédification de lEtat et de son enracinement, et que cest un homme dEtat et un homme politique ingénieux qui a suivi une politique réaliste très habile en comparaison avec la politique noyée dans lidéalisme moral choisie par son adversaire, lImâm Ali».

Maintenant on peut poser la question de savoir si lImâm Ali pouvait se permettre de reconduire Muawiya dans ses fonctions à Damas, et si une telle décision eut été adéquate?

Abbas Mahmoud al-Aqqad répond que «lImâm ne pouvait reconduire le mandat de Muawiya pour deux raisons. Dune part, parce quil avait lui-même conseillé à Ousmane à plusieurs reprises de le destituer. Et dautre part, la présence de Muawiya ainsi que dautres exploiteurs comme lui dans lentourage dOusmane, constituait le principal grief formulé contre le précédent gouvernement. Si lImâm avait reconduit Muawiya, quelle aurait été la réaction de ses partisans ?! Et celle des Musulmans en général?!»

Même si lon supposait quil avait pu changer dopinion sur Muawiya, comment aurait-il pu négliger lopinion des révoltés qui lui avaient prêté serment dallégeance et lavaient choisi comme Calife pour quil changeât la situation et le régime de Ousmane, en le remplaçant par un régime nouveau?! Et même si lon admettait que lImâm avait réussi, par une ruse quelconque, à renouveler le mandat de Muawiya, une telle solution aurait-elle été la voie la plus sûre pour avoir la paix?!

Non, probablement pas. Car les comportements de Muawiya montraient clairement quil nétait pas homme à se contenter de sa fonction de gouverneur de Damas tout au long de sa vie. Dans cette Province, en effet, il agissait comme sil voulait fonder son propre Etat et le garder pour ses descendants. Il sétait entouré de princes, avait acheté des partisans, sétait doté dune force et dune fortune afin de pouvoir tenir en attendant la première occasion qui lui permettrait de parvenir à ses fins. Or, quelle occasion inespérée que celle de lassassinat d’Ousmane ! Il la justement saisie et prétextée pour crier et réclamer vengeance.

Quant aux succès de sa politique, ils ne sont dus ni à son habileté dans les manœuvres et les ruses, ni à son recours à tous les moyens fourbes au niveau desquels lImâm Ali était à cent lieues de sabaisser, mais aux différences de nature dans lattitude de chacun des deux hommes, ainsi quaux circonstances sociales favorables à Muawiya.

 

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